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Histoire de la Revolution française, IX
Histoire de la Revolution française, IX
Adolphe Thiers
Histoire de la Revolution française, IX
Table of Contents
Histoire de la Revolution française, IX. ............................................................................................................1
Adolphe Thiers.. .......................................................................................................................................1
CHAPITRE VII.. .....................................................................................................................................1
CHAPITRE VIII.. ..................................................................................................................................13
CHAPITRE IX. .....................................................................................................................................38
CHAPITRE X.. ......................................................................................................................................58
CHAPITRE XI. .....................................................................................................................................79
CHAPITRE XII.. ...................................................................................................................................95
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Histoire de la Revolution française, IX
Adolphe Thiers
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CHAPITRE VII.
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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
PAR M.A. THIERS DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
NEUVIÈME ÉDITION
TOME NEUVIÈME
HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
DIRECTOIRE.
CHAPITRE VII.
SITUATION DU GOUVERNEMENT DANS L'HIVER DE L'AN V (l797).—CARACTÈRES ET
DIVISIONS DES CINQ DIRECTEURS, BARRAS, CARNOT, REWBELL, LETOURNEUR ET
LARÉVELLIÈRE−LÉPAUX.—ÉTAT DE L'OPINION PUBLIQUE. CLUB DE CLICHY.—INTRIGUES
DE LA FACTION ROYALISTE. COMPLOT DÉCOUVERT DE BROTTIER, LAVILLE−HEURNOIS ET
DUVERNE DE PRESLE.—ÉLECTIONS DE L'AN V.—COUP D'OEIL SUR LA SITUATION DES
PUISSANCES ÉTRANGÈRES A L'OUVERTURE DE LA CAMPAGNE DE 1797.
Les dernières victoires de Rivoli et de la Favorite, la prise de Mantoue, avaient rendu à la France toute sa
supériorité. Le directoire, toujours aussi vivement injurié, inspirait la plus grande crainte aux puissances. La
moitié de l'Europe , écrivait Mallet−Dupan[1], est aux genoux de ce divan, et marchande l'honneur de devenir
son tributaire.
[Note 1: Correspondance secrète avec le gouvernement de Venise.]
Ces quinze mois d'un règne ferme et brillant avaient consolidé les cinq directeurs au pouvoir, mais y avaient
développé aussi leurs passions et leurs caractères. Les hommes ne peuvent pas vivre longtemps ensemble sans
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éprouver bientôt du penchant ou de la répugnance les uns pour les autres, et sans se grouper conformément à
leurs inclinations. Carnot, Barras, Rewbell, Larévellière−Lépaux, Letourneur, formaient déjà des groupes
différens. Carnot était systématique, opiniâtre et orgueilleux. Il manquait entièrement de cette qualité qui
donne à l'esprit l'étendue et la justesse, au caractère la facilité. Il était pénétrant, approfondissait bien le sujet
qu'il examinait; mais une fois engagé dans une erreur il n'en revenait pas. Il était probe, courageux, très
appliqué au travail, mais ne pardonnait jamais ou un tort, ou une blessure faite à son amour−propre; il était
spirituel et original, ce qui est assez ordinaire chez les hommes concentrés en eux−mêmes. Autrefois il s'était
brouillé avec les membres du comité de salut public, car il était impossible que son orgueil sympathisât avec
celui de Robespierre et de Saint−Just, et que son grand courage fléchît devant leur despotisme. Aujourd'hui la
même chose ne pouvait manquer de lui arriver au directoire. Indépendamment des occasions qu'il avait de se
heurter avec ses collègues, en s'occupant en commun d'une tâche aussi difficile que celle du gouvernement, et
qui provoque si naturellement la diversité des avis, il nourrissait d'anciens ressentimens, particulièrement
contre Barras. Tous ses penchans d'homme sévère, probe et laborieux, l'éloignaient de ce collègue prodigue,
débauché et paresseux; mais il détestait surtout en lui le chef de ces thermidoriens, amis et vengeurs de
Danton, et persécuteurs de la vieille Montagne. Carnot, qui était l'un des principaux auteurs de la mort de
Danton, et qui avait failli plus tard devenir victime des persécutions dirigées contre les montagnards, ne
pouvait pardonner aux thermidoriens: aussi nourrissait−il contre Barras une haine profonde.
Barras avait servi autrefois dans les Indes; il y avait montré le courage d'un soldat. Il était propre, dans les
troubles, à monter à cheval, et, comme on a vu, il avait gagné de cette manière sa place au directoire. Aussi,
dans toutes les occasions difficiles, parlait−il de monter encore à cheval et de sabrer les ennemis de la
république. Il était grand et beau de sa personne; mais son regard avait quelque chose de sombre et de sinistre,
qui était peu d'accord avec son caractère, plus emporté que méchant. Quoique nourri dans un rang élevé, il
n'avait rien de distingué dans les manières. Elles étaient brusques, hardies et communes. Il avait une justesse
et une pénétration d'esprit qui, avec l'étude et le travail, auraient pu devenir des facultés très distinguées; mais
paresseux et ignorant, il savait tout au plus ce qu'on apprend dans une vie assez orageuse, et il laissait percer
dans les choses qu'il était appelé à juger tous les jours, assez de sens pour faire regretter une éducation plus
soignée. Du reste, dissolu et cynique, violent et faux comme les méridionaux qui savent cacher la duplicité
sous la brusquerie; républicain par sentiment et par position, mais homme sans foi, recevant chez lui les plus
violens révolutionnaires des faubourgs et tous les émigrés rentrés en France, plaisant aux uns par sa violence
triviale, convenant aux autres par son esprit d'intrigue, il était en réalité chaud patriote, et en secret il donnait
des espérances à tous les partis. A lui seul il représentait le parti Danton tout entier, au génie près du chef, qui
n'avait pas passé dans ses successeurs.
Rewbell, ancien avocat à Colmar, avait contracté au barreau et dans nos différentes assemblées une grande
expérience dans le maniement des affaires. A la pénétration, au discernement les plus rares, il joignait une
instruction étendue, une mémoire fort vaste, une rare opiniâtreté au travail. Ces qualités en faisaient un
homme précieux à la tête de l'état. Il discutait parfaitement les affaires, quoique un peu argutieux, par un reste
des habitudes du barreau. Il joignait à une assez belle figure l'habitude du monde; mais il était rude et blessant
par la vivacité et l'âpreté de son langage. Malgré les calomnies des contre−révolutionnaires et des fripons, il
était d'une extrême probité. Malheureusement il n'était pas sans un peu d'avarice; il aimait à employer sa
fortune personnelle d'une manière avantageuse, ce qui lui faisait rechercher les gens d'affaires, et ce qui
fournissait de fâcheux prétextes à la calomnie. Il soignait beaucoup la partie des relations extérieures, et il
portait aux intérêts de la France un tel attachement, qu'il eût été volontiers injuste à l'égard des nations
étrangères. Républicain chaud, sincère et ferme, il appartenait originairement à la partie modérée de la
convention, et il éprouvait un égal éloignement pour Carnot et Barras, l'un comme montagnard, l'autre comme
dantonien. Ainsi Carnot, Barras, Rewbell, issus tous trois de partis contraires, se détestaient réciproquement;
ainsi les haines contractées pendant une longue et cruelle lutte, ne s'étaient pas effacées sous le régime
constitutionnel; ainsi les coeurs ne s'étaient pas mêlés, comme des fleuves qui se réunissent sans confondre
leurs eaux. Cependant, tout en se détestant, ces trois hommes contenaient leurs ressentimens, et travaillaient
avec accord à l'oeuvre commune.
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Restaient Larévellière−Lépaux et Letourneur, qui n'avaient de haine pour personne. Letourneur, bon homme,
vaniteux, mais d'une vanité facile et peu importune, qui se contentait des marques extérieures du pouvoir, et
des hommages des sentinelles, Letourneur avait pour Carnot une respectueuse soumission. Il était prompt à
donner son avis, mais aussi prompt à le retirer, dès qu'on lui prouvait qu'il avait tort, ou dès que Carnot parlait.
Sa voix dans toutes les occasions appartenait à Carnot.
Larévellière, le plus honnête et le meilleur des hommes, joignait à une grande variété de connaissances un
esprit juste et observateur. Il était applique, et capable de donner de sages avis sur tous les sujets; il en donna
d'excellens dans des occasions importantes. Mais il était souvent entraîné par les illusions, ou arrêté par les
scrupules d'un coeur pur. Il aurait voulu quelquefois ce qui était impossible, et il n'osait pas vouloir ce qui était
nécessaire; car il faut un grand esprit pour calculer ce qu'on doit aux circonstances sans blesser les principes.
Parlant bien, et d'une fermeté rare, il était d'une grande utilité quand il s'agissait d'appuyer les bons avis, et il
servait beaucoup le directoire par sa considération personnelle.
Son rôle, au milieu de collègues qui se détestaient, était extrêmement utile. Entre les quatre directeurs, sa
préférence se prononçait en faveur du plus honnête et du plus capable, c'est−à−dire, de Rewbell. Cependant, il
avait évité un rapprochement intime, qui eût été de son goût, mais qui l'eût éloigné de ses autres collègues. Il
n'était pas sans quelque penchant pour Barras, et se serait rapproché de lui s'il l'eût trouvé moins corrompu et
moins faux. Il avait sur ce collègue un certain ascendant par sa considération, sa pénétration et sa fermeté. Les
roués se moquent volontiers de la vertu, mais ils la redoutent quand elle joint à la pénétration qui les devine le
courage qui ne sait pas les craindre. Larévellière se servait de son influence sur Rewbell et Barras, pour les
maintenir en bonne harmonie entre eux et avec Carnot. Grace à ce conciliateur, et grace aussi à leur zèle
commun pour les intérêts de la république, ces directeurs vivaient convenablement ensemble, et poursuivaient
leur tâche, se partageant dans les questions qu'ils avaient à décider, beaucoup plus d'après leur opinion que
d'après leurs haines.
Excepté Barras, les directeurs vivaient dans leurs familles, occupant chacun un appartement au Luxembourg.
Ils déployaient peu de luxe. Cependant Larévellière, qui aimait assez le monde, les arts et les sciences, et qui
se croyait obligé de dépenser ses appointemens d'une manière utile à l'état, recevait chez lui des savans et des
gens de lettres, mais il les traitait avec simplicité et cordialité. Il s'était exposé malheureusement à quelque
ridicule, sans y avoir du reste contribué en aucune manière. Il professait en tout point la philosophie du
dix−huitième siècle, telle qu'elle était exprimée dans la profession de foi du Vicaire savoyard. Il souhaitait la
chute de la religion catholique, et se flattait qu'elle finirait bientôt, si les gouvernemens avaient la prudence de
n'employer contre elle que l'indifférence et l'oubli. Il ne voulait pas des pratiques superstitieuses et des images
matérielles de la Divinité; mais il croyait qu'il fallait aux hommes des réunions, pour s'entretenir en commun
de la morale et de la grandeur de la création. Ces sujets en effet ont besoin d'être traités dans des assemblées,
parce que les hommes y sont plus prompts à s'émouvoir, et plus accessibles aux sentimens élevés et généreux.
Il avait développé ces idées dans un écrit, et avait dit qu'il faudrait un jour faire succéder aux cérémonies du
culte catholique des réunions assez semblables à celles des protestans, mais plus simples encore, et plus
dégagées de représentation. Cette idée, accueillie par quelques esprits bienveillans, fut aussitôt mise à
exécution. Un frère du célèbre physicien Haüy forma une société qu'il intitula des Théophilanthropes , et dont
les réunions avaient pour but les exhortations morales, les lectures philosophiques et les chants pieux. Il s'en
forma plus d'une de ce genre. Elles s'établirent dans des salles louées aux frais des associés, et sous la
surveillance de la police. Quoique Larévellière crût cette institution bonne, et capable d'arracher aux églises
catholiques beaucoup de ces ames tendres qui ont besoin d'épancher en commun leurs sentimens religieux, il
se garda de jamais y figurer ni lui ni sa famille, pour ne pas avoir l'air de jouer un rôle de chef de secte, et ne
pas rappeler le pontificat de Robespierre. Malgré la réserve de Larévellière, la malveillance s'arma de ce
prétexte pour verser quelque ridicule sur un magistrat universellement honoré, et qui ne laissait aucune prise à
la calomnie. Du reste, si la théophilanthropie était le sujet de quelques plaisanteries fort peu spirituelles chez
Barras, ou dans les journaux royalistes, elle attirait assez peu l'attention, et ne diminuait en rien le respect dont
Larévellière−Lépaux était entouré.
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